Animaux fantastiques
LE BASILIC DU GRAND PUITS DE MARSEILLE
La légende raconte que, jadis, Marseille était alimenté d’eau par un grand puits qui était dans les environs de l’église de la Major. A une certaine époque, on fit des canalisations pour faire venir l’eau de l’Huveaune et on perdit ainsi l’habitude de se servir du grand puits, dans lequel on laissa jeter les débris de cruche et autres fragments de vases de toutes sortes. Mais un jour, la communauté regretta de s’être privée des services de ce puits, et elle résolut de le faire curer, pour qu’on pût venir de nouveau y puiser l’eau d’alimentation de la ville. Or, un des puisatiers descend dans ledit puits en bonne santé, et très dispos, quand tout à coup on l’entend pousser un grand cri et on voit qu’il tombe mort. Un de ses camarades lui succéda ; il eut le même sort. Un troisième succomba d’une façon identique. On suspendit donc les travaux de curage de ce puits, qui est resté désormais sans emploi ; mais, préoccupés de ces morts subites, les marseillais voulurent savoir à quelle cause elles étaient dues. Ils apprirent qu’il y avait dans ce puits un basilic, c’est-à-dire un serpent redoutable et monstrueux, dont le regard seul est mortel pour les humains ; les ouvriers qui étaient descendus dans ce puits, avaient vu ce regard et étaient tombés sidérés par se terrible malignité.
[Laurent Jean-Baptiste Bérenger-Féraud, Superstitions et survivances, 1896]
UNE VOUIVRE EN BOURGOGNE
Il y avait dans le temps, il y a de ça bien des années, un trésor qui était caché dans un trou près de la chapelle de Maison-Dru. Mais personne ne pouvait toucher à ce trésor. Il était gardé par un gros serpent, un gros serpent avec des ailes, une wivre qu’on disait.
De temps en temps, la wivre avait envie de se baigner. Alors, vite, elle allait à la Fontaine-Magnol. C’est comme ça qu’on appelle la source du Grisy : elle n’avait pas bien du chemin à faire et, elle pouvait toujours surveiller son trésor.
Mais il y avait un trésor bien plus rare que celui de la Maison-Dru ; c’était le diamant que la wivre avait sur son front et qu’elle posait sur l’herbe, près de la fontaine, avant de se baigner. On disait que ce gros diamant valait toutes les richesses de la terre.
Vous pensez bien qu’il y avait des gens qui guettaient la wivre pour lui prendre sa pierre précieuse, mais ils n’y sont jamais arrivés. Le serpent était plus malin qu’eux, ils avaient trop peur du serpent pour s’approcher bien près. On a beau avoir envie d’être riche, on a encore plus envie de ne pas être dévoré.
Ah ! ils l’ont regardée, la wivre ! Ils ont vu qu’elle ne se baignait jamais dans la source bénie de Maison-Dru, jamais non plus dans la fontaine de la Dame de la Certenue. Pour sûr que c’était un serpent du diable puisqu’elle avait peur de l’eau sainte. Elle n’a jamais mangé personne, faut bien le dire, mais personne n’a touché son diamant, et le trésor de Maison-Dru, eh bien ! personne n’y est allé voir non plus !
[J. G. Bulliot, La mission et le culte de saint Martin dans le pays Eduen, 1892]