23 décembre : l’engloutissement des impies

Beaucoup de légendes christianisées évoquent l’engloutissement de villages ou de personnes, en raison de leur impiété.

Le comte de Beaulaincourt rapporte en 1880 un récit du Pas-de-Calais et note que les anciens qui le lui ont raconté ne mettaient nullement en doute sa véracité :

« Il y a deux cents et quelques années, le 24 décembre, un château situé dans la vallée de l’Authie, à environ quatre kilomètres au sud-est d’Auxi, avait été disposé pour un réveillon auquel avait été invitée la bonne société du pays. […] un carrosse quittait à minuit quarante minutes un château, maintenant disparu, qui avait été bâti dans la même vallée, à environ une lieue à l’ouest de Doullens.

Le possesseur du carrosse et du château était un riche financier dont le seul dieu était l’argent ; aussi ne s’était-il pas inquiété d’aller à la messe de minuit, ni même à aucune messe de Noël.

Les chemins à cette époque étaient très mauvais. Pour arriver à temps, il avait fait mettre à son équipage quatre chevaux, dont chaque couple était conduit par un postillon ; deux laquais étaient sur le siège ; deux autres étaient debout derrière la voiture. Tous quatre portaient des falots allumés ; un cinquième à cheval, ayant une torche, précédait le premier attelage ; ces sept domestiques, le cocher, le palefrenier, les valets de pied, le jardinier et deux aides-jardiniers, étaient revêtus d’une brillante livrée or et rouge.

Le carrosse, tout neuf, était orné de sculptures dorées ; il contenait dans son intérieur le maître, sa femme et ses deux enfants. Ceux-ci, un jeune homme de vingt ans et une jeune fille de dix-huit, sans s’inquiéter de déplaire à Dieu, se proposaient beaucoup d’amusement.

Ainsi transportés, nos quatre amateurs de plaisir suivirent, fortement cahotés, la route de Doullens à Auxi, qu’ils devaient quitter à la hauteur de Beauvois-Rivière ; là ils prendraient à gauche un chemin de traverse qui les conduirait chez le marquis de L…, à travers un vaste marais. Ils venaient de s’y engager quand un vent très fort se mit à souffler. Les falots et la torche de leurs gens s’éteignirent ; les voilà dans une obscurité́ complète. Rien ne rendait possible de distinguer le chemin des fondrières voisines ; que faire ? Au ciel on n’apercevait aucune étoile, sur la terre aucune lueur indiquant des habitations peu éloignées.

Tout à coup apparut une lumière à une petite distance. Le maître de la voiture ne douta point que quelque paysan n’était rentré chez lui en revenant de la messe. Il ordonna à ses postillons de se diriger de ce côté ; mais Dieu avait voulu punir une famille impie qui bravait le Sauveur du monde dans la nuit rappelant celle de sa naissance.

La lumière aperçue était un feu follet ; il sortait d’une fontaine marécageuse dont aucun sondage n’a jamais pu déterminer l’énorme profondeur. Tout à coup les chevaux de devant du lourd véhicule s’enfoncent dans la boue ; le postillon leur donne de vigoureux coups de fouet ; ils avancent un peu, cédant à de semblables excitations ; les deux autres en font autant. Mais la terre manque à tout l’attelage ; bientôt il disparaît avec la voiture qu’il a entrainée dans l’abîme.

Ni maîtres ni domestiques ne savaient nager ; un seul ne fut pas englouti : le courrier, un père de famille, bien résolu d’assister à la messe du jour, avait trouvé grâce devant Dieu ; il dut son salut à la vigueur de son cheval. Quand il eut échappé́ au bourbier, le ciel était éclairci. Il put reconnaître son chemin ; il galopa jusqu’au château où son maître était attendu et annonça la catastrophe. Bon nombre d’invités, ne s’inquiétant pas du mauvais chemin, le suivirent dans une tentative pour sauver les victimes ; mais elle fut inutile, et avec de très longues perches on n’arriva pas à rien sentir de ce qui avait disparu. »

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