Aux environs de Claix, il y a une cinquantaine d’années, dans les familles Jaubert (habitant au hameau de saint-Ange) et Martinet (habitant au hameau de Malluvert), chaque nuit une fée venait prendre à l’étable les moutons pour les conduire dans les bons pâturages du pays. Au matin, elle les ramenait, sans se faire connaître. Elle fut cependant aperçue autrefois. Les propriétaires des bêtes, en reconnaissance, lui offrirent une robe tissée avec la laine de ces brebis et la guettèrent au matin pour la lui remettre. Quand elle l’eut reçue elle se mit à danser en disant “Ah, ah, mes brebis, vous êtes belles et moi aussi. Mais jamais de ma vie je ne regarderai plus brebis.” A partir de ce moment on ne la vit plus. Les habitants de Saint-Ange prétendent que ce n’était pas une fée mais le diable.
On croyait dans ces hameaux que les fées habitaient le rocher de Comboire. On accédait à leur habitation par des fissures du rocher ; c’était une vaste pièce où l’on retrouva plus tard des traces de leur séjour (cendres, débris, papiers). Ces fées étaient des naines que l’on voyait parfois et que l’on craignait, par crainte du mauvais sort.
Un exemple de mauvais sort jeté par une de ces fées (raconté par Mademoiselle Marie-Louise Perrin) : Pendant qu’on baptisait un nouveau-né au lendemain de sa naissance, la mère au lit reçut la visite d’une femme qui lui demanda de l’argent. Ne pouvant se lever, elle refusa toute aumône. La visiteuse montra alors dans le foyer un tison enflammé en disant “Tant que cette bûche brûlera, l’enfant vivra”. Effrayée, la mère se leva après le départ de la fée, éteignit le tison, et l’enfouit dans l’armoire, espérant conjurer le sort. L’enfant grandit et se maria. Mais un jour, pendant que sa mère était aux champs et lui-même au bois, sa femme trouva la bûche dans l’armoire et pour s’en débarrasser la jeta dans le foyer. Quand sa belle-mère rentra, elle lui raconta ce qu’elle avait fait. Celle-ci partit alors à la recherche de son fils, redoutant que la prédiction de la fée ne fût réalisée. En effet, elle trouva son fils mort dans le bois ; il avait été victime du mauvais sort que lui avait jeté la fée.
Arnold Van Gennep, Le Folklore du Dauphiné, 1932-1933.
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