Dans la commune de Saint-Benoît-du-Sault, au pied du coteau que couronnent les tourelles du château de Montgarnaud, se trouve une profonde ravine dont le lit et les bords sont encombrés de roches immenses aux formes tourmentées et fantastiques et entre lesquelles bondissent les bruyantes cascades du Portefeuille. On assure qu’en ce lieu pittoresque il existe toute une peuplade de fées et que leurs voix, étrangement accentuées, se mêlent, pendant les nuits d’orage, aux voix mugissantes du torrent. Leur principale demeure, que l’on appelle l’Aire aux Martes, est un vrai palais de cristal, puisqu’elle est située sous les brillants arceaux de la cascade.
Les Martes de Montgarnaud ont une tenue et des habitudes tout à fait excentriques. Au dire des gens de l’endroit, ce sont, en général, de grandes femmes maigres, tannées et débraillées comme des bohèmes. Leurs longs cheveux, noirs et roides, tombent d’un seul jet jusque sur leurs talons ; leurs mamelles, presque aussi longues, leur battent les genoux. C’est en cet état, et perchées sur quelque monticule, sur la table d’un dolmen ou sur la crête d’un peulvan, qu’elles apparaissent parfois au laboureur qui travaille dans la plaine, au berger qui paît ses brebis au penchant des coteaux. Si ces braves gens ne répondent point aux appels effrontés qu’elles leur adressent, elles rejettent aussitôt leurs mamelles par-dessus leurs épaules, et, s’élançant à leur poursuite, les forcent d’abandonner et charrue et troupeau.
Laisnel de la Salle, Souvenirs du vieux temps, Le Berry, croyances et coutumes, 1900-1902.
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